La réconciliation nationale en débat
Samedi 21 avril, Ibrihima Sanoh, écrivain, a donné une conférence-débat au CIRD sur le thème : Pour une réconciliation nationale en République de Guinée, qui est aussi le titre de son essai sur l’histoire de la Guinée indépendante, paru en décembre 2017 chez SAEC.
Le conférencier est a livré le contenu de son ouvrage dont voici des extraits :
L’histoire de la Guinée indépendante n’est pas enseignée dans le cadre de l’enseignement formel. Elle ne fait l’objet d’aucun manuel scolaire. Elle n’est pas consensuelle. En République de Guinée, plusieurs variantes de l’histoire se confrontent et les tenants de chacune d’elles, selon les intérêts ou les affections ; l’utilisent pour tirer, chacun, la couverture de son côté. Elle est conflictuelle et divise.
Evoquer cette histoire peut donner lieu à des remontrances ou à toutes les simplifications telles que : « Ne réveillez pas les morts ! », « Tournez la page ! », « La Guinée est une famille ». Pourquoi fuyons-nous notre histoire ? Pourquoi l’avons- nous couverte du voile pudique ? Pourquoi refusons-nous de l’assumer ?
Elle est faite de douleurs, de sueurs et sangs, de meurtres, de blessures et de douleurs, de viols et aussi des rendez-vous manqués. Ne voulant rien assumer, la politique de l’oubli a été implémentée, elle consiste à ne pas l’évoquer, à ne pas l’assumer, à ne pas en tirer des leçons et de divertir à son sujet.
Un pays, comme le nôtre, sans politique de juste mémoire saurait-il réussir son pari de développement ? L’histoire n’est-elle pas une émule du temps, un dépôt des actions humaines, un témoin du passé, un exemple du présent, un enseignement pour l’avenir ? On ne peut pas tourner la page de l’histoire avant de l’avoir lue.
Ainsi, l’essai « Pour une Réconciliation Nationale en République de Guinée » interroge l’histoire de la Guinée indépendante, l’analyse. De ce travail d’analyse et d’interprétations du fait historique découle une conclusion sans appel : elle est tronquée, falsifiée à dessein et non assumée. Cet essai ambitionne de réconcilier l’Etat avant lui-même et avec ses citoyens pour faire renaître une nouvelle arche d’alliance et réécrire une variante de l’histoire qui soit consensuelle.
Composé de 202 pages, l’essai se subdivise en quatre chapitres. Le premier, intitulé « Comment sommes-nous arrivés là ? » fait une analyse de l’histoire afin de faire le bilan de la gestion de notre indépendance, de ressortir les points de frictions, nos manquements et errements et de justifier l’imminence d’une réconciliation nationale.
Le deuxième chapitre s’intéresse à la méthodologie de la réconciliation et esquisse les substrats théoriques de la problématique en tenant compte de nos réalités, de la singularité de notre histoire et des meilleures pratiques de réconciliation à travers le monde. Dans cette méthodologie de la réconciliation, l’auteur définit la réconciliation, il parle de la commission de réconciliation, de sa composition, de ses mandats et de ses missions de rétablissement des vérités personnelles, dialogiques et factuelles à travers les auditions publiques et à huis clos. Il traite les questions de justice, de son application dans la limite humaine possible. Par ailleurs, il traite les questions liées à l’amnistie, aux réparations, aux excuses officielles de l’Etat, au pardon et de la démarche à adopter pour la réécriture de l’histoire afin d’éviter la négation et la falsification de l’histoire consensuelle qui sera rédigée à la suite du travail de la commission de réconciliation.
Selon l’entendement de l’auteur, la réconciliation n’est pas statique, ponctuelle, elle n’a pas seulement pour dessein de solder le contentieux historique, elle est aussi transversale et évolutive. La question mémorielle ayant été abordée, du moins théoriquement dans le précédent chapitre, les autres facettes de la problématique ont été abordées par l’auteur dans le troisième chapitre « les réformes nécessaires à la réconciliation nationale ». Ces réformes sont économiques, politiques et sectorielles (de l’éducation, de la justice, de la gouvernance).
Dans le dernier chapitre, l’auteur traite des « erreurs à éviter » afin d’éviter à l’initiative de réconciliation nationale l’échec et la trahison. Ces erreurs sont entre autres : la manipulation de la religion pour justifier le pardon, la constitution d’un gouvernement d’union nationale et la réconciliation politique.
Dans les débats, la question de volonté politique a été évoquée. Pour nombre d’intervenants, c’est à l’Etat de monter le chemin en assumant son rôle dans l’histoire de la Guinée. Aussi, pour une réconciliation nationale, il faut bannir le népotisme, le régionalisme, faciliter un accès équitable à tous à la justice, aux postes de responsabilités dans l’administration.
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